juin 16, 2007
J'ai écrit cet article pour le numéro de février 1985 du magazine BICYCLE GUIDE, pages 16-17, 106. Veuillez donc excuser les quelques détails dus à l'ancienneté de la publication. Notez également que tous les fabricants de jantes en bois mentionnés ont cessé leur production, à l'exception de Ghisallo.
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Dans notre quête incessante de matériaux toujours plus performants, l'engouement actuel pour les composites, ces substances issues de l'ère spatiale, est palpable. Les composites sont constitués de filaments microscopiques liés par de la colle en couches denses qui enrobent des matériaux plus légers. L'exemple le plus connu est sans doute la planche de surf, où le polystyrène est recouvert d'une fine couche de fibre de verre et de résine polyester, créant ainsi une structure à la fois extrêmement résistante et légère. Les composites à base de fibres de carbone révolutionnent actuellement l'aéronautique, ainsi que les équipements sportifs tels que les raquettes de tennis, les skis, les clubs de golf et les cannes à pêche. Enfin, les roues qui ont contribué au succès de l'équipe olympique d'athlétisme étaient elles aussi fabriquées en matériaux composites.
Mais lorsqu'on s'intéresse à ces matériaux, il est utile de se souvenir du bois, un composite naturel. Sa structure est composée de fibres liées par de la résine et disposées en couches superposées autour d'un noyau de pulpe légère. Nulle part ailleurs ce composite naturel n'a apporté une contribution aussi précieuse et durable au vélo que dans la fabrication des jantes. L'ère des jantes en bois a débuté aux débuts du cyclisme et, malgré les progrès considérables réalisés dans la conception et la fabrication des jantes en acier, s'est poursuivie jusqu'à peu après la Seconde Guerre mondiale. Que ce soit pour les courses sur piste de type Madison ou pour les pavés destructeurs de Paris-Roubaix, le bois a régné sans partage pendant 130 ans comme matériau de jante, alliant légèreté et robustesse. Des noms prestigieux de fabricants de jantes tels que Fairbanks-Boston (Michigan), Sieber (Milan), Mirass (Espagne) et American (Michigan) évoquent les scènes de grandes batailles cyclistes qui se déroulaient sur les surfaces en bois poli des vélodromes faiblement éclairés. Rien n'égalait la vivacité des jantes en bois sur ces pistes. « Les pneus offraient un véritable plaisir de conduite sur des jantes en bois », observe Vince Gatto, ancien participant aux Six Jours d'Automobile, originaire de San José. Leur popularité n'a décliné qu'avec l'arrivée des alliages d'aluminium haute résistance. À leurs débuts, les jantes en aluminium paraissaient « sans âme » ou « dénuées de sensations » comparées au bois, mais ce qu'elles perdaient en sensations, elles le gagnaient en fiabilité et en sécurité : elles conservaient leur forme plus longtemps et ne se brisaient pas en cas d'impact.
Le confort de conduite exceptionnel offert par le bois est en partie dû à sa flexibilité. Bien que l'aluminium soit plus résistant, le bois peut généralement se courber davantage sans se déformer de façon permanente. C'est un atout précieux lorsqu'on roule sur un nid-de-poule. De plus, les petites irrégularités et les vibrations de la route à haute fréquence sont mieux absorbées par le bois. Il en résulte une conduite plus silencieuse et plus douce.
La flexibilité du bois est un atout sur des routes en mauvais état, mais un inconvénient en termes de solidité. Les roues modernes nécessitent une tension élevée des rayons pour des configurations comme un étagement à six vitesses. Or, les jantes en bois ne supportent pas les tensions de rayons les plus élevées ; elles sont donc plus adaptées aux roues de piste, à cinq vitesses ou symétriques, moins déportées. Une faible tension des rayons peut engendrer plus de bruit, les axes frottant les uns contre les autres, notamment au niveau de la jonction extérieure. Ce cliquetis peut être atténué par un ligature et une soudure, ce qui explique la popularité de cette pratique autrefois.
Les jantes en bois expliquent en partie la popularité précoce des rayons à épaisseur variable. Plus élastiques que les rayons à épaisseur constante, ces rayons offrent une meilleure flexibilité et compensent les importantes variations de tension inhérentes aux jantes en bois. Ils assurent un soutien plus continu à basse tension et durent plus longtemps car ils ne cassent pas aussi fréquemment lors du passage d'une tension maximale à une tension maximale.
Le bois offre une excellente surface de freinage, particulièrement performante sous la pluie. Ses propriétés d'isolation thermique permettent à la plaquette de frein de dissiper la chaleur rapidement, même mouillée. Cependant, la plaquette a aussi tendance à fondre plus facilement ; en cas d'utilisation intensive, le frein arrière peut projeter de petits fragments de plaquette fondue à l'arrière de la jambe du cycliste. Les freinages brusques peuvent également provoquer une légère brûlure à la surface du bois, dégageant un parfum agréable pour le cycliste suivant.
Les bois durs comme le noyer, l'orme, le frêne et l'érable sont des matériaux de choix pour les cercles de roue. Faciles à travailler une fois ramollis par la vapeur ou l'humidité, ils peuvent être cintrés à partir d'une seule pièce de bois et assemblés par un tenon complexe. On peut aussi superposer et coller plusieurs lamelles. Une colle imperméable est utilisée pour lier les lamelles, le cercle étant maintenu sous pression. Une fois sec, le cercle est façonné à l'aide d'outils de coupe et percé pour les rayons. La construction en lamelles offre généralement un cercle plus solide et plus rigide, car on veille à décaler le sens du fil du bois et l'angle de joint de chaque couche successive.
Pour une conservation optimale des jantes en bois, il est important de les entreposer dans un endroit sec ; si elles sont mouillées, laissez-les sécher lentement. Chaque année, vous pouvez les poncer légèrement et appliquer une laque imperméabilisante.
Au moins cinq entreprises fabriquent encore des jantes tubulaires en bois. Trois firmes italiennes – Ghisallo et Berlazzi à Milan, et Sieber, désormais installée en Suisse – proposent des jantes de différentes tailles et épaisseurs. Cependant, ces jantes nécessitent un écrou de rayon extra-long de 19 mm (3/4 de pouce), difficile à trouver.
Wolber distribue une jante française de marque Darrigade dotée d'alésages complets, à l'instar des jantes en aluminium modernes, permettant l'utilisation d'écrous classiques. Cette jante pèse moins de 400 grammes et est assemblée avec des adhésifs synthétiques étanches.
Enfin, Sanno Sports, l'un des plus anciens distributeurs de pièces détachées au Japon, basé à Tokyo, peut vous mettre en relation avec les fabricants japonais qui, il y a encore 25 ans, produisaient des jantes en bois pour le circuit Keirin. Ces jantes sont aujourd'hui difficiles à trouver ; renseignez-vous donc sur leur disponibilité.
Les jantes en bois feront-elles leur grand retour ? J’en doute fort, mais leur originalité et le confort de conduite qu’elles offrent garantissent leur présence pendant encore de nombreuses années. Les jantes du futur, si elles ne sont pas en métal, seront très probablement en matériaux synthétiques. Mais comme pour l’évolution du design d’autres véhicules tels que les bateaux et les avions, il a fallu beaucoup de temps pour découvrir des matériaux supérieurs au bois. Et il est tout à fait logique que les roues futuristes des Jeux olympiques soient, de par leur conception, plus proches du bois que des cerceaux métalliques et de câbles tendus auxquels nous sommes habitués.
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