mars 16, 2010
Où sont les roues ?
Je n'ai assisté qu'aux salons Handmade de San Jose et de Portland, ainsi qu'au premier Manifest à Portland. Comme la plupart d'entre vous, je découvre donc les autres salons Handmade à travers les blogs et les articles de presse. Après avoir lu les comptes rendus du dernier événement à Richmond, quelques réflexions me viennent à l'esprit.
Espace blanc
Les designers et les artistes connaissent l'importance de l'espace blanc. L'absence de couleur est tout aussi essentielle au résultat final que les traits que l'on trace. Certaines traditions, comme la peinture de paysage chinoise, reposent sur une gestion minutieuse du vide. Il faut une grande assurance pour exploiter au mieux l'espace blanc. La sobriété, autre forme d'utilisation de l'espace blanc, est une expression plus exigeante que la sur-ornementation. Les vélos présentés au Handmade Show semblent, pour la plupart, sur-décorés.
La finesse est fascinante : sculptures sur ivoire, décorations d'œufs russes, bijoux miniatures… captivant. Mais à mon goût, on abuse des détails sur un cadre de vélo. Au pire, c'est une excuse pour manquer d'assurance. Plus on accumule les options, plus le prix d'un cadre grimpe. Existe-t-il une limite, un juste équilibre entre fonctionnalité, esthétique et simplicité ? Des fabricants comme Masi et Colnago ont bâti leur succès initial sur des cadres au design ultra-simple. Ils passeraient certainement inaperçus dans le paysage actuel du fait main.
Vu le nombre de cadres décorés, j'aimerais voir plus de créativité au niveau des roues. Où sont-elles ? Celles présentées dans les comptes rendus du salon sont trop prévisibles. Bravo aux quelques fabricants de roues présents, mais ont-ils proposé des modèles uniques ? Quant aux fabricants de cadres, quelles roues équipent leurs chefs-d'œuvre ? On voit surtout :
(1) Jantes en aluminium peu profondes, pratiquement identiques, noires ou argentées,
(2) Jantes à V profond de couleurs pastel, ou
(3) Jantes en carbone profond, indiscernables sauf pour le lettrage.
Serotta se met au pays
Chez Serotta, quelques originaux ont peint un cadre en carbone pour lui donner l'aspect du bois. Pour une séance photo avant le salon, ils y ont monté des jantes Ghisallo en bois.
Pour le salon, cependant, le bois a été remplacé par des jantes en carbone à profil haut. Et Serotta n'était pas le seul. Tous les fabricants de cadres en bois présentaient des roues standard. Je doute de leur maîtrise de ce matériau.
Et où sont donc les rayons décorés ? Les laçages artistiques ? Les écrous de rayons colorés ? Les jantes à fines rayures ? Les moyeux uniques ? Les jantes en bois ? Rien. Pourtant, la créativité en matière de roues est simple et accessible. Les moyeux sont les composants les plus simples à fabriquer et les roues faciles à personnaliser. Et ne me dites pas qu'un moyeu génératrice permet de créer une roue artistique. Astucieux, certes, mais pas artistique.
Belles roues exposées
Le week-end dernier (13-14 mars) a offert une alternative rafraîchissante : le Salon du vélo de Seattle. Sans doute le plus grand salon grand public du pays, l’édition 2010 présentait une magnifique exposition de vélos classiques dédiée aux vélos Jack Taylor. Ken Taylor était présent. On y trouvait à lui seul 38 vélos Taylor. Quelle riche et belle tradition créée par ces frères ! Des lignes et des graphismes originaux et dynamiques ; un style unique ; et surtout, sans ostentation. On pouvait également admirer un grand nombre d’autres modèles classiques, du début du XIXe siècle aux années 1980. Un grand merci à Bob Freeman (Elliot Bay Cycles), Jeff Groman (Classic Cycles) et aux autres collectionneurs locaux.
Ce qui m'a particulièrement frappé, ce sont les roues. Des vélos ingénieux ET des roues ingénieuses. Des jantes tubulaires élégantes et étroites ; des liserés discrets, du bois, du bois recouvert d'aluminium ; des moyeux de piste à flasque haut spectaculaires, des moyeux peints, des moyeux Maxi-car, FB, Racelite et les premiers moyeux Phil ; un régal pour les passionnés de roues. Et cette mise en valeur des roues était totalement improvisée. Les roues ont toujours constitué une riche tradition, qui n'a disparu que ces dernières années.
Espérons que davantage de fabricants de vélos élargissent leur champ d'expression esthétique, en ajoutant une touche d'originalité à leurs créations, comme des garde-boues, des porte-bagages et des selles. J'aimerais qu'on s'intéresse davantage aux possibilités fonctionnelles et esthétiques des roues de vélo. Et vous ?
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